CHAPITRE XXII

 

Rites de fondation de la cité

 

Leur navire, guidé par les vents créés par Apollon, accosta sur une île verdoyante quelques jours après. Ils débarquèrent sur la plage en discourant de l'endroit où ils allaient pouvoir fonder leur cité :

"Il nous faut trouver un endroit très joli avec plein de fleurs ! disait Cythéris.

- C'est exactement ce que nous cherchons et tu as oublié de mentionner les petites biches ! C'est impossible, tu le fais exprès, il y a autre chose que les tuniques, les fards à paupières et les bouquets de fleurs dans la vie. Je comprends mieux pourquoi on vous laisse cloîtrées les femmes dans votre gynécée ! répliqua Edax.

moreau prométhée

Gustave Moreau, Prométhée, 1868, Musée Gustave Moreau, Paris

- Et c'est reparti ! soupira Pythos. Mais vous savez bien que les femmes ont été créées par les dieux de l'Olympe pour affliger l'humanité et se venger de Prométhée qui avait impunément volé le feu aux dieux pour le donner aux hommes. Hephaïstos lui donna sa forme, Aphrodite sa beauté, Hermés lui apprit la tromperie et la flatterie, Hélios le chant et Athéna la vêtit ; quant à Zeus, il l'offrit à Epiméthée qui avait été prévenu par le titan bienfaiteur de l'humanité de n'accepter aucun cadeau de Zeus. Mais devant la beauté de Pandore, la première femme, il ne put décliner l'offre de Zeus et l'épousa. Celle-ci ouvrit la boîte interdite et lâcha sur terre tous les maux qu'elle renfermait, apportant ainsi le chaos. Seule restait au fond l'espérance aveugle. Tu peux donc constater que ta soeur, la blonde Cythéris, n'est par responsable de sa simplicité d'esprit. La raison n'en vient pas de la couleur de sa chevelure, mais est inhérente au fait qu'elle soit une femme, descendante de Pandore...

waterhouse pandore

William Waterhouse, Pandore, vers 1896, Collection privée

-Pour un prêtre d'Apollon, je te trouve tout de même quelque peu caricatural ! lâcha Edax. Mais enfin... c'est ma soeur...

- Il faut plutôt une ville côtière, c'est très important de pouvoir avoir un port pour le commerce, avoir une flotte et contrôler les mers... argumenta Colydon.

- Cesse tes sottises mon ami, ce sont les dieux qui nous donneront un signe ! "coupa Pythos.

Ils se mirent donc en route, à l'affût du moindre signe que pouvait leur envoyer les Dieux. Ils marchèrent toute l'après - midi et quand le crépuscule approcha, Octavios et ses compagnons découvrirent un troupeau de boeufs en train de paître paisiblement au sommet d'une colline.

Pythos, les paumes des mains tournées vers le ciel, comme à son habitude, s'exclama :

« C'est le signe que nous attendions mes bons compagnons, c'est un signe d'Apollon. Remercions le Dieu de la lumière pour nous avoir guidés vers ce lieu. Louons le dieu musagète de nous avoir accordé cette terre propice à la fondation de notre cité. En ce lieu nous érigerons un temple en son honneur...

- On sait, on sait ! le coupa Edax.

- En plus il y a des fleurs partout, on se croirait aux Champs Elyséens ! se réjouit Cythéris.

- Non pitié, pas ça ! Tout mais pas ça !

- Un troupeau de biches, regardez à droite derrière les boeufs, alors elles, elles tombent à pic... je vais vous concocter un petit festin mes amis, vous allez m'en dire... souffla Edax le cuisinier à l'appétit sans bornes.

- Que d'impiété délirante réside dans ta tête, pauvre fou ! L'épisode de l'île de Crète ne t'a donc point suffi ? Souhaites-tu que de nouveau la peste s'abatte sur nous ? Ce troupeau sacré est un nouveau signe que nous envoie la déesse chasseresse Artémis. Défense à quiconque d'y toucher !" s'insurgea Pythos.

Le prêtre vénérable leur apprit les cérémonies et les codes rituels qu’il fallait observer, comme pour la célébration des mystères, pour fonder la cité. Ils creusèrent donc, tout d'abord, un fossé et y jetèrent les prémices, selon la formule consacrée, c'est à dire qu'ils firent offrande aux deux divinités de fruits qu'ils avaient ramassés. Cette première tâche visait sans doute à purifier leur future cité et à appeler la très haute bienveillance des dieux sur leur ville. Ensuite, chacun de nos amis y mit une poignée de terre, après quoi Pythos mêla le tout ensemble. Ils tracèrent enfin autour du fossé l'enceinte de la future cité à l'aide d'un épais bâton de bois bien solide et noirci au feu rougeoyant. La ligne tracée marquait le contour des murailles. Lorsqu’ils voulaient symboliser l'emplacement d'une future porte, ils interrompaient le sillon. Le soir, les bases de ce qui allait devenir leur cité étaient établies.

 

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