CHAPITRE XX
Découverte surprenante aux Champs Elyséens
Enfin, il était arrivé aux champs Elyséens. Ce lieu était tellement sublime qu’il paraissait inimaginable qu’un tel endroit puisse exister. Partout, des lits d’asphodèles sur lesquels des gens étaient couchés. Tout autour, de véritables délices, dignes des dieux, jonchaient le sol. Les gens mangeaient et buvaient à profusion et leur faim semblait insatiable. Il avança donc dans ce décor merveilleux tout en cherchant le fameux prophète. Octavios ignorait s' il le reconnaîtrait. Il engagea le dialogue avec un être qui lui tournait le dos :
"Achille le Grec...toi ici... toi mon ennemi... c'est bien toi ? Tu es donc mort , tu n'étais donc pas immortel comme le pensait Hector. Le destin est bien retors parfois, n'est-ce pas ? lança Octavios d'un ton moqueur. Mais cessons là toute forme de querelle ! Alors Achille, toi l'immortel mortel, ne regrettes-tu rien de ta vie antérieure faite de gloire et de victoires ?
Peter Paul Rubens, Thétis plonge Achille dans le fleuve Styx, 1630-1632, Museum Boijmans Van Beuningen, Rotterdam
- Je regrette surtout de n'avoir pu faire mes adieux à Patrocle, mon plus cher ami. Je regrette aussi de n'avoir pu revoir Phenix qui m'a instruit sur l'art de la guerre et l'art de gouverner ainsi que mon maître vénéré, Chiron, qui m'a appris à magner l'arc comme nul autre humain, excepté sans doute Ulysse, et à guérir les blessures, répondit Achille.
Peter Paul Rubens, le centaure Chiron enseignant à Achille, 1630-1632, Museum Boijmans Van Beuningen, Rotterdam
- Tu es donc mort à Troie durant le pillage de notre très sainte ville? questionna Octavios.
- Oui ! Paris, guidé par la main d'Apollon, m'a décoché une flèche à l'unique endroit où j'étais mortel : le talon ! se désola le redoutable Achille.
Peter Paul Rubens, la mort d'Achille, 1630-1632, Museum Boijmans Van Beuningen, Rotterdam
- Comment se fait-il que seul ton talon fut mortel ? s'enquit Octavios intrigué.
- Ma mère, Téthis, m'avait plongé dans le Styx , mais me tenant par le talon ce fut la seul partie de mon corps qui ne goutta pas à l'invulnérabilité. Ah... La guerre, les combats, les femmes c'est loin tout cela... "
Achille le fougueux et bouillonnant guerrier, détesté par une myriade de Troyens semblait être devenu plus philosophe, plus apaisé...
C’est alors qu'il la vit... là-bas... elle était allongée dans l’herbe. Elle n’avait guère changé : toujours ce même regard gai, qui lui donnait cet air heureux et à la fois mélancolique. Elle avait gardé son sourire et tout ce qui la caractérisait naguère, mais elle avait rajeunie... oui ! elle paraissait avoir trente ans. Il s’approcha vers elle et elle n’eut aucun mal à le reconnaître malgré ses traits tirés par la fatigue.
"Octavios ! hurla - t-elle, pleine d’allégresse.
- Mère, je suis heureux de te revoir, lui répondit-il.
- Comment as-tu fait pour venir ici, tu n’es pas mort au combat au moins ?
- Non, mais j’ai besoin de ton aide. Je cherche un prophète qui doit me révéler ma destinée.
- Point n’est besoin de chercher bien loin, fils ! Il est devant toi ton prophète, il est au fond de ton cœur. Écoute-moi et sois très attentif. Tu as débarqué grâce à l’aide d’Apollon sur la terre qui abrite les Enfers. Il n’a cessé de veiller sur toi et de vous protéger toi et tes amis. Tu fonderas donc , sur une île vierge de toute présence humaine, près du territoire grec honni entre tous, au nord d’ici, une cité que tu appelleras Apollonia en hommage à ton père protecteur. Tu la situeras grâce à Diane qui t’apparaîtra à l’endroit propice. Viens maintenant te restaurer en ma compagnie ! Tu dois être affamé par ton voyage, ! D’ailleurs, raconte-moi ton odyssée. "
Il lui avait conté son aventure. Ils avaient pleuré. Ils s'étaient embrassés. Puis, il l'avait quittée et était remonté vers le monde des vivants. Il était arrivé devant Cerbère toujours endormi et dans l’instant qui suivit, il avait entendu son souffle régulier fétide s’arrêter et le vit bouger de toute sa masse gigantesque. Mais heureusement, il ne se réveilla pas. Il continua son chemin et arriva devant Charon et il lui demanda de lui refaire traverser le Styx. Il retrouva enfin ses amis qui l’attendaient de l’autre côté du fleuve. Après leur avoir raconté son voyage périlleux, ils se dirigèrent vers le monde extérieur, remontant le long tunnel, retraversant le lac et reprenant le chemin qui les avait mené ici. Au fur et à mesure qu'ils remontèrent, la végétation devint de plus en plus abondante et de plus en plus verdoyante. Le soleil devint de plus en plus éclatant, trônant dans l'or.